Le 12 octobre dernier, Artur Beterbiev et Dmitry Bivol s’étaient affrontés sur le ring du Kingdom Arena à Riyadh, en Arabie Saoudite. Cet événement a marqué un tournant tant dans leurs carrières respectives que dans l’histoire de la catégorie des mi-lourds en boxe. Les deux compatriotes russes s’étaient imposés comme les adversaires les plus redoutables l’un pour l’autre, s’affrontant pour couronner le premier champion indiscuté de la division dans l’ère des “quatre ceintures”. Évitant le tumulte médiatique habituel, ils avaient ainsi pris le chemin du ring pour prouver lequel d’eux possédait la plus grande habileté, la meilleure endurance et la détermination à toute épreuve, offrant ainsi un combat qui ravissait les puristes.
Le samedi prochain, les deux boxeurs se retrouveront à nouveau sur le même ring, les circonstances étant largement similaires à celles de leur première rencontre. Beterbiev, champion en titre, et Bivol, son challenger, se prépareront à disputer une revanche. Mais on peut se demander : pourquoi cette nouvelle rencontre ? Si leur premier affrontement s’était soldé par une décision majoritaire pour Beterbiev, sans ambiguïtés ni controverses, quel en serait l’intérêt pour les deux combattants ou pour la boxe elle-même ?
La réponse, franche et cynique, est celle qui fait le plus de sens : l’argent. La rencontre de samedi promet d’engendrer d’importants bénéfices, et, après tout, ces athlètes sont des combattants rémunérés. À ce stade de leur carrière, ils sont respectivement les adversaires les plus attirants et lucratifs disponibles l’un pour l’autre, si bien qu’il était inévitable que le spectacle continue.
Cependant, il est difficile de reprocher à l’un d’eux de choisir une autre voie. Beterbiev, âgé de 40 ans, a enduré un parcours semé d’embûches, avec des blessures et des problèmes physiques qui vont bien au-delà des aléas habituels du ring. Pour lui, la boxe n’est pas un terrain d’épreuve ou un symbole de noblesse, mais simplement un métier. S’il est souvent considéré comme un bourreau des cœurs dans le monde de la boxe, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit avant tout d’un travail.
Bivol, quant à lui, s’est imposé comme l’un des boxeurs les plus talentueux de sa génération, ayant su neutraliser des adversaires d’une grande qualité – de Sullivan Barrera à Saul “Canelo” Alvarez, en passant par Gilberto Ramirez – avant même de croiser le fer avec Beterbiev. Sa volonté de disputer une revanche est donc évidente, mais beaucoup d’autres combattants, surtout à ce stade de leur carrière, auraient pu choisir d’éviter un défi aussi brutal pour protéger leur intégrité physique.
Pourtant, les deux boxeurs se retrouveront donc sur le ring. Ce qui reste à déterminer, c’est à quel point la situation a changé depuis leur premier affrontement. À peine 133 jours les séparent de samedi, et alors que Beterbiev se rapproche du vieillissement typique que connait un boxeur, son genou souffrant avait tenu le coup lors du dernier combat, lui permettant d’aborder cette revanche dans des conditions apparemment favorables. De son côté, Bivol promet d’être plus actif cette fois-ci, après avoir considéré qu’il avait perdu des rounds par excès de passivité.
La question demeure de savoir si ces deux athlètes, à ce stade de leur carrière, pourront vraiment modifier leur style. Néanmoins, il est certain qu’ils ont chacun réfléchi à des ajustements à apporter. Avec un palmarès impressionnant de 21 victoires dont 20 par KO, Beterbiev a examiné avec son entraîneur, Marc Ramsay, des ajustements mineurs tels qu’une meilleure mobilité et un travail de corps. Moins entravé par la blessure au genou qui avait conduit à un report de leur première rencontre, il devrait aborder ce combat avec plus de confiance et de vélocité. Ayant subi une mise à distance pour la première fois, il comprendra l’importance de la prudence pour éviter les coups, ce qui pourrait s’avérer judicieux à l’aube de ses 40 ans.
Pour Bivol, un bilan de 23 victoires, dont 12 par KO, l’évidence des ajustements à effectuer est claire, bien que risquée. Son style basé sur un jab efficace a, jusqu’à présent, bien servi sa carrière, mais son triomphe emblématique face à Alvarez en 2022 lui a montré la force d’une approche plus agressive. La question qui se pose des deux côtés est la suivante : pourra-t-il reproduire ce niveau de supplique face à Beterbiev, tout en se mettant en danger dans ce processus ?
Les réponses ne se découvriront qu’en vivant le spectacle. Les deux adversaires s’avèrent extrêmement bien assortis, comme l’a prouvé leur premier combat, et ce week-end le confirmera sans aucun doute. Quatre mois peuvent sembler peu pour un boxeur de l’expérience de Beterbiev, mais si celui-ci a conservé sa forme d’avant leur affrontement et que son corps n’a pas souffert de séquelles, son intelligence de combat et sa puissance devraient faire de lui le favori dans le ring. Bivol, en revanche, devra prendre tous les risques nécessaires, se libérant des mœurs traditionnelles pour frapper le Titan qu’est Beterbiev, tout en gardant à l’esprit qu’une seule erreur pourrait se solder par un net désavantage. Les enjeux sont élevés et la tension palpable, mais n’oublions pas que dans ce genre de duel, la puissance de frappe de Beterbiev est à prendre en considération.