En avril 1971, dans un contexte culturel bouillonnant, James Taylor dévoilait son album “Mud Slide Slim and the Blue Horizon”, et avec lui, sa reprise de “You’ve Got a Friend” de Carole King, qui allait devenir son plus grand succès. Cette même année, un autre événement d’une tout autre nature allait se dérouler dans l’arène mythique de Madison Square Garden : une confrontation légendaire entre Muhammad Ali et Joe Frazier prévue le 8 mars, qui venait chambouler le calendrier du jeune chanteur de 22 ans, initialement programmé pour être en tête d’affiche ce jour-là. La situation d’Ali, menacé de prison pour son refus de la conscription, pressait les organisateurs de fixer la date au 8 mars, quitte à décaler la performance de Taylor qui accepta, en compensation, un arrangement financier ou des billets VIP pour assister au duel.
L’affrontement Ali-Frazier, loin de l’univers amical de “You’ve Got a Friend”, s’inscrit dans l’histoire pour son intensité dramatique et technique, qualifié par certains comme le plus grand combat de tous les temps. En 1996, le magazine “The Ring” le plaçait en 4ème position parmi les 100 plus grands combats pour un titre, soulignant son importance historique. Ce combat dépasse largement le cadre sportif, s’inscrivant dans un contexte de tensions politiques et sociales aux États-Unis, évoquant les luttes autour de la guerre du Vietnam, la question raciale et la liberté de conscience. Il marque également le début de l’une des rivalités les plus célèbres et amères de l’histoire de la boxe. Comme le disait Stan Hochman de la “Philadelphia Daily News” dans le documentaire HBO Sports de 2000 “Ali-Frazier I: One Nation … Divisible”, “ils ont su faire ressortir le meilleur d’eux-mêmes sur le ring et le pire en dehors”.
Ali, avec un palmarès de 31-0 (25 KOs), et Frazier, 26-0 (23 KOs), tous deux médaillés d’or olympiques, incarnaient des figures contrastées mais complémentaires du monde de la boxe. Leur combat est souvent comparé, pour sa signification et son intensité, aux grands affrontements tels que celui entre Tyson Fury et Oleksandr Usyk prévu pour 2024. Par ailleurs, il est intéressant de noter que Frazier a joué un rôle clé dans le retour d’Ali sur le ring, lui apportant même une aide financière quand il en avait besoin. Cela rendait leur confrontation encore plus intense et personnelle, comme le rappelle le fils de Frazier, Marvis, évoquant l’impact des paroles d’Ali sur son père.
Le combat a tenu toutes ses promesses, offrant aux spectateurs 15 rounds d’une intensité rare, jusqu’à ce que Frazier fasse tomber Ali au 15ème round avec un crochet du gauche qui est entré dans l’histoire, scellant la victoire de Frazier par décision unanime. Peltz, promoteur de boxe, témoigne de l’importance historique de cet affrontement, regrettant même de n’avoir pu assister au combat depuis une place de choix, aux côtés de célébrités comme Frank Sinatra ou Diana Ross.
Ce combat, loin de résoudre leur rivalité, n’a fait que la renforcer, Frazier conservant une rancune tenace, exprimée dans ses interviews bien des années plus tard. L’impact culturel et sportif d’Ali-Frazier I dépasse largement le cadre du combat lui-même, représentant un moment où le monde du sport, et au-delà, s’est arrêté pour assister à un affrontement épique, mêlant enjeux sportifs, sociaux et politiques.