Les mains jouent un rôle essentiel dans la boxe. Bien préparées et renforcées à l’entraînement, elles deviennent de véritables armes sur le ring, avec des gants et des bandages les protégeant à chaque combat. Ces mains causent des blessures, règlent des conflits et déterminent les issues des affrontements. Elles sont également porteuses d’une puissance symbolique avant le combat, lors de la poignée de main déterminant un accord, et après le duel, lorsque deux boxeurs se serrent la main pour montrer qu’il n’y a pas de rancune.
Récemment, cependant, les mains en boxe ont pris une nouvelle dimension. Outre les poignées de main traditionnelles, elles sont désormais utilisées pour des opportunités photographiques ou lorsque des puissants acteurs de l’industrie entrent dans l’arène pour afficher la solidité de leurs alliances aux yeux du monde.
En tête de ce nouveau phénomène se trouve l’incontournable Turki Alalshikh. Ce dernier est le maestro des poignées de main, et il initie ce rituel avec les promoteurs, tenant en parallèle les ficelles du sport. Ce pouvoir des mains, souvent étendues pour un accord, est d’une importance capitale : les promoteurs acceptent de collaborer les yeux fermés, tant les avantages financiers qu’ils en retirent sont conséquents. Les boxeurs, eux aussi, cherchent à se lier à Alalshikh, conscient qu’il peut les mener vers un avenir plus fructueux, là où l’argent et la notoriété sont garantis.
En 2024, ces combattants comprennent qu’il n’existe pas meilleure association. Dans les mains d’Alalshikh, ils trouvent non seulement des financements, mais aussi un mentor, central dans leur développement. En conséquence, suivre ses directives et se confronter aux adversaires qu’il suggère est devenu une approche sensée sur le plan financier.
Cependant, ceux qui osent s’opposer à cette dynamique, bien que peu nombreux, risquent l’isolement. Ainsi, Tim Tszyu a récemment subi le courroux d’Alalshikh en refusant de jouer le jeu des alliances, une réaction filmée qui illustre bien la réalité actuelle.
Au même titre, Saul “Canelo” Alvarez, peut-être l’un des rares boxeurs à détenir une puissance similaire à celle d’Alalshikh, s’est également attiré les foudres de “Son Excellence” en tentant de négocier difficilement un combat contre Terence Crawford, le petit protégé d’Alalshikh. Cela a révélé un aspect moins avenant du magnat, qui n’apprécie guère qu’on lui refuse ses désirs.
Sa confiance dans son propre pouvoir expliquait sans doute la rapidité avec laquelle divers promoteurs acceptaient de se réconcilier, forgeant ainsi une grande alliance. L’influence croissante d’Alalshikh a permis la réalisation de nombreux combats passionnants, sans lesquels le paysage de la boxe serait bien différent. Cela lui a valu respect et soutien de nombreuses figures du milieu, qui préfèrent éviter les risques en lui cédant la domination. Ce faisant, certains des promoteurs s’érigent alors en héros de leur propre récit.
Pour des boxeurs comme Alvarez, il existe cependant un choix. Le Mexicain, détenant actuellement un pouvoir et une autonomie que beaucoup lui envient, continue de générer des sommes astronomiques à Las Vegas, sans que le poids d’Alalshikh ne pèse sur lui. Certes, il pourrait amasser encore plus avec le soutien d’Alalshikh, mais jusqu’où est-on prêt à sacrifier ses principes pour des gains financiers ? Selon toute vraisemblance, Alvarez ne serait pas prêt à troquer son pouvoir contre quelques millions supplémentaires.
Dans le paysage médiatique, Carl Froch, un ancien combattant aujourd’hui à la tête d’un podcast avec sa femme, est peut-être le seul à échapper à l’influence d’Alalshikh. Les autres journalistes, analystes et boxeurs retraités ne peuvent que constater que l’Arabie Saoudite est devenu le centre névralgique des grands combats, et que sans Alalshikh, l’accès à cette danse des millions peut devenir problématique.
Froch, bien que confiant, ne se considère pas comme un journaliste au sens strict, mais dans l’arène de la boxe, il est sans doute l’un des rares à avoir la liberté de s’exprimer. Son franc-parler, allant parfois jusqu’à la brutalité, lui permet de ne pas craindre les représailles, une audace bien rares dans un milieu où beaucoup sont mus par la peur de perdre leur emploi.
Pour comprendre pourquoi Froch semble avoir une bravoure que d’autres n’ont pas, il suffit de se remémorer son dernier coup de poing porté dans sa carrière professionnelle. Ce violent crochet du droit, qui a mise KO George Groves devant 80 000 fans à Wembley, était le moyen de clore une rivalité sur une victoire éclatante. En choisissant de se retirer après ce combat, Froch s’est assuré de quitter sur une note positive, avec toutes ses facultés intactes.
Sa retraite est intervenue à un moment où il avait non seulement remporté tous les combats nécessaires et investi son argent judicieusement dans l’immobilier, mais il était devenu le maître de son propre destin. Il avait ce qu’on appelle l’argent de la liberté, ce capital suffisant pour vivre la vie qu’il souhaitait, sans jamais se compromettre.
Aujourd’hui, seul Andre Ward, le seul homme que Froch n’ait pu battre, détient une emprise sur lui. Ni Turki Alalshikh ni Eddie Hearn n’arrivent à le soumettre. Les mains de Froch, ni entravées ni retenues, sont libres, et il les utilise simplement pour saluer la foule.