La boxe anglaise, surnommée le “noble art”, est l’un des sports de combat les plus populaires au monde. Mais d’où vient réellement cette discipline ? Qui en est à l’origine ? Dans cet article, nous allons retracer l’histoire fascinante de la création de la boxe anglaise, de ses lointaines origines antiques jusqu’à sa codification au 18e siècle en Angleterre.
Les origines antiques de la boxe
Bien que la boxe anglaise telle que nous la connaissons aujourd’hui soit née en Angleterre au 18e siècle, les combats à mains nues remontent à des temps bien plus anciens. Des traces archéologiques montrent que des formes primitives de boxe existaient déjà dans plusieurs civilisations antiques :
- En Mésopotamie, des reliefs datant de 3000 av. J.-C. représentent des hommes s’affrontant à coups de poing
- En Égypte ancienne, des peintures murales montrent des combats de boxe dès 2000 av. J.-C.
- Dans la Grèce antique, le pugilat (ancêtre de la boxe) fait partie des Jeux olympiques dès 688 av. J.-C.
- À Rome, les combats de gladiateurs incluent des affrontements à mains nues
Ces formes primitives de boxe étaient généralement très violentes, sans règles précises ni équipement de protection. Les combats se terminaient souvent par des blessures graves voire la mort d’un des protagonistes.
Le pugilat dans la Grèce antique
Parmi ces ancêtres de la boxe, le pugilat grec est celui qui s’en rapproche le plus. Cette discipline olympique opposait deux combattants à mains nues, avec pour seule protection des lanières de cuir autour des poings appelées cestes.
Les règles étaient rudimentaires :
- Pas de catégories de poids
- Pas de rounds ni de limite de temps
- Le combat se terminait par abandon ou KO
- Tous les coups étaient permis sauf mordre et crever les yeux
Certains champions de pugilat sont restés célèbres, comme Theagenes de Thasos qui aurait remporté plus de 1300 combats au 5e siècle av. J.-C.
Avec la chute de l’Empire romain et l’avènement du christianisme, le pugilat et les autres sports de combat violents tombent en désuétude en Europe pendant plusieurs siècles.
La renaissance de la boxe en Angleterre
Il faut attendre le 17e siècle pour voir réapparaître en Angleterre des combats de boxe à mains nues, appelés prizefighting. Ces affrontements, souvent organisés dans des tavernes, attirent un public nombreux venu parier sur l’issue du combat.
Contrairement au pugilat antique, le prizefighting commence à se doter de quelques règles rudimentaires :
- Interdiction de frapper l’adversaire au sol
- Possibilité d’abandonner en jetant l’éponge
- Présence d’un arbitre pour faire respecter les règles
Malgré ces évolutions, ces combats restent extrêmement violents et dangereux pour les boxeurs. L’absence de gants et de catégories de poids entraîne de nombreuses blessures graves.
James Figg, premier champion d’Angleterre
C’est dans ce contexte qu’émerge en 1719 la figure de James Figg, considéré comme le premier champion de boxe d’Angleterre. Cet escrimeur de formation ouvre à Londres la première académie d’escrime et de boxe.
Figg organise des combats où il affronte quiconque ose le défier, moyennant une mise d’argent. Pendant 11 ans, il reste invaincu et contribue grandement à populariser la boxe auprès de l’aristocratie anglaise.
Bien que Figg n’ait pas vraiment codifié la boxe, il pose les bases d’une pratique plus structurée et contribue à faire émerger les premiers grands champions comme Jack Broughton.
Jack Broughton, le père de la boxe moderne
Si James Figg est considéré comme le premier champion, c’est Jack Broughton qui va véritablement jeter les bases de la boxe anglaise moderne au milieu du 18e siècle.
La carrière de boxeur de Broughton
Né en 1703 dans le Gloucestershire, Jack Broughton commence sa carrière de boxeur vers 1725. Doté d’un gabarit imposant et d’une grande force de frappe, il s’impose rapidement comme l’un des meilleurs combattants du royaume.
En 1734, il bat le champion en titre George Taylor et devient le nouveau champion d’Angleterre. Il conservera ce titre pendant 18 ans, jusqu’à sa retraite en 1750.
Parmi ses combats les plus célèbres :
- Sa victoire contre George Stevenson en 1741 qui durera 35 minutes
- Son combat contre Jack Slack en 1750, où il perdra son titre à 47 ans
Au-delà de ses exploits sur le ring, Broughton va surtout marquer l’histoire en codifiant pour la première fois les règles de la boxe.
Les règles de Broughton (1743)
En 1743, traumatisé par la mort de son adversaire George Stevenson des suites d’un combat, Broughton décide d’établir les premières règles écrites de la boxe. Connues sous le nom de “Broughton’s Rules”, elles comprennent 7 articles :
- Un carré de 1 yard (91 cm) doit être tracé au centre du ring. Si un boxeur tombe ou sort de ce carré, il a 30 secondes pour y revenir seul sinon il perd le combat.
- Seuls les coups de poing sont autorisés (pas de coups de pied, de tête, etc).
- Si un boxeur tombe, son adversaire doit reculer dans son coin en attendant qu’il se relève.
- Seuls les boxeurs et leurs seconds peuvent monter sur le ring.
- Le combat se termine quand un boxeur ne peut plus se relever ou abandonne.
- Les paris sur l’issue du combat sont autorisés.
- L’arbitre a le dernier mot pour trancher les litiges.
Ces règles, bien que sommaires, constituent une avancée majeure. Elles introduisent notamment :
- La notion de round (30 secondes pour se relever)
- L’interdiction de frapper l’adversaire au sol
- La présence d’un arbitre officiel
Broughton invente également les premiers gants de boxe rembourrés, appelés “mufflers”, utilisés à l’entraînement pour limiter les blessures. En combat, on se bat encore à mains nues.
L’académie de boxe de Broughton
En parallèle de sa carrière de boxeur, Broughton ouvre en 1743 sa propre académie de boxe à Londres. Il y enseigne “l’art noble de la self-defense” à une clientèle aisée, contribuant à faire de la boxe un sport respectable.
Son académie propose :
- Des cours de boxe tous niveaux
- Des démonstrations de combats
- La vente d’équipements (gants, protections)
Broughton forme ainsi toute une génération de boxeurs qui vont perpétuer et faire évoluer son héritage, comme Daniel Mendoza.
L’âge d’or du prizefighting (1780-1820)
Après Broughton, la boxe continue son développement en Angleterre. La période 1780-1820 est considérée comme l’âge d’or du prizefighting, avec l’émergence de grands champions et une popularité croissante.
Les champions emblématiques
Parmi les boxeurs les plus célèbres de cette époque :
- Daniel Mendoza (1764-1836) : champion d’Angleterre de 1792 à 1795, il développe un style plus technique basé sur l’esquive et le jeu de jambes
- Jem Belcher (1781-1811) : champion de 1800 à 1805, réputé pour sa vitesse et sa puissance de frappe
- Tom Cribb (1781-1848) : champion de 1808 à 1822, il bat notamment l’Américain Tom Molineaux dans un combat resté célèbre
Ces boxeurs deviennent de véritables célébrités, adulés par le public et soutenus par des mécènes issus de l’aristocratie.
Les évolutions de la pratique
Durant cette période, la boxe se structure davantage :
- Apparition des premiers entraîneurs professionnels
- Développement des paris sportifs autour des combats
- Construction de rings en plein air pouvant accueillir des milliers de spectateurs
- Couverture des combats par la presse naissante
Les règles évoluent également avec l’introduction en 1838 des “London Prize Ring Rules”, qui précisent et complètent les règles de Broughton.
Les règles du Marquis de Queensberry (1867)
Malgré ces évolutions, la boxe reste un sport très violent et peu réglementé. C’est dans ce contexte qu’intervient en 1867 la publication des règles du Marquis de Queensberry, qui vont révolutionner la pratique.
Qui était le Marquis de Queensberry ?
John Sholto Douglas, 9e Marquis de Queensberry (1844-1900), est un noble écossais passionné de sports. Bien qu’il ait donné son nom aux nouvelles règles, il n’en est pas réellement l’auteur.
C’est en fait John Graham Chambers, un journaliste sportif, qui rédige ces règles en 1865. Il demande ensuite au Marquis de Queensberry, figure respectée dans le monde du sport, de les cautionner pour leur donner plus de poids.
Les principales innovations
Les règles du Marquis de Queensberry, publiées en 1867, introduisent plusieurs changements majeurs :
Ancienne pratique | Nouvelles règles |
---|---|
Combat à mains nues | Port de gants obligatoire |
Durée illimitée | Rounds de 3 minutes avec 1 minute de repos |
Pas de catégories | Création de catégories de poids |
Projections autorisées | Interdiction de projeter l’adversaire |
Combats jusqu’au KO | Possibilité de gagner aux points |
Ces règles rendent la boxe moins dangereuse et plus technique. Elles posent les bases de la boxe moderne telle que nous la connaissons aujourd’hui.
L’adoption progressive des nouvelles règles
L’adoption des règles du Marquis de Queensberry ne se fait pas du jour au lendemain. Pendant plusieurs décennies, les deux styles (ancien et moderne) vont coexister :
- 1882 : premier championnat du monde avec gants (John L. Sullivan vs Paddy Ryan)
- 1889 : dernier championnat du monde à mains nues (Sullivan vs Jake Kilrain)
- 1892 : James Corbett bat Sullivan et devient le premier champion reconnu sous les nouvelles règles
À partir des années 1900, les règles du Marquis de Queensberry s’imposent définitivement et la boxe entre dans l’ère moderne.
La naissance de la boxe professionnelle
L’adoption des règles du Marquis de Queensberry marque le début de la boxe professionnelle moderne. Cette nouvelle pratique va rapidement se structurer et gagner en popularité.
Les premières organisations
Pour gérer ce sport en plein essor, plusieurs organisations voient le jour :
- 1880 : création de l’Amateur Boxing Association en Angleterre
- 1890 : fondation de la National Sporting Club à Londres, qui organise les premiers championnats officiels
- 1920 : naissance de la National Boxing Association aux États-Unis (future WBA)
Ces organisations mettent en place des championnats réguliers et commencent à décerner des titres officiels dans différentes catégories de poids.