Joe Gallagher : Une rencontre qui change tout
Ce mois-ci, je me penche sur Joe Gallagher, un entraîneur qui, grâce à une rencontre fortuite, m’a ouvert les portes d’une opportunité inestimable dans ma carrière. En 2013, lors du premier combat d’Isaac Chilemba contre Tony Bellew à Liverpool, j’étais sur place avec Buddy McGirt. Ce soir-là, Joe a demandé à Buddy de préparer les mains d’Anthony Crolla pour son combat contre Derry Mathews. Buddy a alors suggéré de faire appel à moi. Ainsi, j’ai eu l’honneur de préparer les mains de Crolla, ce qui a marqué le début d’une collaboration fructueuse avec Joe, qui perdure encore aujourd’hui. C’est ainsi que Crolla est devenu mon premier boxeur britannique, et je partage souvent cette anecdote avec mes amis et autres boxeurs d’outre-Manche.
Tout récemment, en février, j’ai de nouveau eu l’occasion de préparer les mains de Mohammed Alakel pour son affrontement contre Engel Gomez lors de l’événement Artur Beterbiev-Dmitry Bivol II en Arabie Saoudite, où j’ai également assisté Callum Smith – un boxeur que j’ai côtoyé pour la première fois grâce à une invitation de Joe.
Joe Gallagher a été le premier entraîneur britannique à me donner ce genre de chance. Depuis, il a fait appel à moi lors de nombreux combats d’envergure – que ce soit pour Liam Smith contre Saul "Canelo" Alvarez, Paul Smith contre Andre Ward, Callum Smith contre George Groves ou encore Scott Quigg contre Carl Frampton. Même si Paul et Scott ont pris leur retraite, et que Liam et Callum ne sont plus entraînés par Joe, je continue de travailler avec eux.
Travailler avec Joe a été un véritable plaisir. Il m’a toujours laissé m’exprimer dans le coin, et nous avons souvent été en phase sur des discussions concernant la boxe et ses rouages. Ce qui me frappe chez Joe, c’est son capability à gérer tout ce qui l’entoure avec une grande organisation. Les soirées mémorables des victoires de Liam Smith et Crolla lors de leurs conquêtes des titres mondiaux resteront gravées dans ma mémoire, mais le moment fort reste sans doute la victoire de Callum Smith contre Groves pour le Trophée Ali.
Je me rappelle d’une fois à Manchester, dans les vestiaires, où j’ai croisé Paul Smith, qui a souligné à quel point Joe est un travailleur acharné : « Joe peut être beaucoup de choses, mais c’est un bosseur ». Cet attribut est d’autant plus vrai lorsque l’on découvre le parcours de Joe et son engagement dans la boxe à Manchester.
Joe se bat sans relâche pour ses boxeurs, même s’il n’est pas leur manager, ce qui en dit long sur lui. Contrairement à de nombreux entraîneurs qui adoptent une attitude désinvolte, Joe ne laisserait pas passer ce type de mentalité. Son attention au détail est telle qu’il a même recommandé à ses boxeurs de porter des chaussures blanches pour donner une impression de légèreté, à l’image de Muhammad Ali. Si jamais un boxeur l’a accusé de dépasser les limites, il faut savoir que cela vient de sa passion inébranlable pour la boxe et le bien-être de ses athlètes.
En dehors du ring, j’ai également apprécié nos échanges sur le sport et l’industrie, savourant ensemble des repas après des pesées. Joe a un amour particulier pour la magie et les tours de cartes ; il ne manque jamais une occasion de me faire réaliser des tours, presque comme un numéro de cirque. J’apprécie également le bon esprit qu’il apporte aux soirées de billard, même s’il n’a pas encore réussi à me faire perdre à ce jeu.
L’approche de Joe quant à son travail est remarquable. Son désir de faire les choses à sa manière, ainsi que sa capacité à capter les dynamiques du moment, lui ont permis de réussir. Ses anciens boxeurs, comme Anthony Crolla et Stephen Smith, sont désormais de reconnus entraîneurs en grande partie grâce à son enseignement.
Je n’ai jamais ressenti de regrets sur mes choix d’entraîneur avec Joe. Chaque instruction qu’il a donnée a toujours été pertinente, et j’ai toujours trouvé une belle synergie dans le coin à ses côtés – ce qui est rare. Joe est un excellent entraîneur, et il mérite pleinement les récompenses qu’il a reçues. Plus que cela, il est un véritable ami.
Lorsque j’ai appris qu’il avait été diagnostiqué d’un cancer, j’ai ressenti un immense chagrin. J’ai voulu garder le silence jusqu’à notre rencontre en février, à l’aéroport en Arabie Saoudite. Son récit sur sa maladie était bouleversant : comment une maladie aussi avancée pouvait-elle se manifester sans symptômes ? Cette situation oblige à réfléchir à la vie et à notre mortalité.
Au fil de nos conversations, Joe n’a jamais perdu son caractère : il demeure ce même homme un peu bourru, déterminé, sans que rien ne semble changer.
J’aspire à recevoir de bonnes nouvelles. J’apprécie toujours autant travailler aux côtés de Joe et ressens un lien profond et durable avec lui. Mon expérience au Royaume-Uni, ainsi que les amitiés et les boxeurs que j’ai rencontrés, n’auraient pas été possibles sans la chance que Joe m’a offerte il y a plus de dix ans.
Merci, frère, je n’oublierai jamais cela.