La scène est familière pour les observateurs du monde de la boxe : un boxeur en pleine coupe de poids. Ce moment est empreint d’une tension palpable, où le malaise éprouvé par les spectateurs n’égale que celui de l’athlète lui-même. Assister à un tel spectacle peut être à la fois fascinant et dérangeant, évoquant des sentiments allant de la curiosité à l’inconfort. C’est un peu comme être témoin d’un conflit entre voisins ; l’intimité de la situation entoure le spectateur d’une aura de voyeurisme. Ce que l’on observe, c’est la déshydratation et la souffrance, une image brutale de l’inhumanité qui entourent la discipline de la boxe.
George Groves, alors à la veille de son combat face à Carl Froch à Wembley en 2014, se moque de la situation, demandant avec un sourire : « Ça va ? » Cette question, prononcée juste après avoir activé le grand chauffage bleu du gymnase, témoigne de son état dans cette pièce déjà trop chaude. À ce moment, il a déjà perdu un peu de poids, pesant 79,5 kg, l’équivalant de 12 pierres 6 livres pour ceux qui jonglent avec ces chiffres.
Au fil des minutes, il engage une conversation avec Barry O’Connell, son entraîneur en force et conditionnement. La discussion se concentre sur la session d’entraînement, et l’atmosphère est presque légère, bien qu’évidente la lutte intérieure de Groves pour respecter la limite de poids de 76 kg, dans le cadre d’un combat en super-moyenne catégorie. « Je vais faire un peu de corde à sauter, puis un échauffement avec le sac. Ça suffira », dit-il, tout en engageant ses pensées vers la nourriture, attendant le petit-déjeuner promis du lendemain.
La lutte pour la pesée est un passage obligé, mais cette tâche devient parfois un jeu d’équilibre cruel. La conversation entre Groves et O’Connell révèle des vérités touchant à l’importance d’un contrôle rigoureux de son poids, sur ce qu’implique de couper des kilos. « Quand as-tu mangé pour la dernière fois ? » demande O’Connell, ce à quoi Groves répond avec une concentration résignée : « À sept heures, j’ai pris des céréales. »
Le moment est révélateur des sacrifices que les boxeurs acceptent de faire. Les échanges entre les deux hommes, empreints d’une familiarité amicale, soulèvent une vérité plus sombre : la perte de poids qui va au-delà du physique pour devenir un combat mental.
Pour certains boxeurs, cette coupe de poids peut mener à des conséquences désastreuses. Tony Bellew, ancien champion WBC, relate ses expériences peu reluisantes en faisant allusion à une perte de poids insoutenable, déclenchant une lutte non seulement pour le titre, mais pour sa santé physique. « Je faisais régime, je me suis retrouvé à 90 kg, et je me sentais épuisé », mentionne-t-il. C’est la lutte de tous les boxeurs, de faire face aux exigences de leur sport tout en s’assurant de ne pas franchir cette ligne fragile entre la forme optimale et l’épuisement.
Richie Wenton partage également son histoire tragique, parlant d’un combat désastreux qui lui hante encore, la perte de son adversaire Bradley Stone, une triste destinée qu’il relie à la pression intense de la pesée. En regardant ces dossiers, il est évident que la manipulation du poids peut avoir des conséquences fatales.
Barry McGuigan, quant à lui, réfléchit à une meilleure solution sur la question des pesées. « Les pesées un jour avant le combat pourraient être plus sûres », dit-il, mais s’inquiète du fait que cela incite certains à prendre des risques encore plus grands. La discussion sur la stratégie de préparation des boxeurs prend toute son ampleur dans cette ambiance où chaque détail compte, où l’hydratation est essentielle juste avant de monter sur le ring.
En revenant à Groves, ayant maintenant arrêté la corde à sauter, nous le retrouvons en train de parler de l’impact de son père sur sa performance, évoquant des messages de soutien et des pressions. « Mon père m’a écrit aujourd’hui, disant : Laisse-moi te dire, tiens bon lors de la pesée », se souvient-il, ajoutant qu’il doit répondre à ses attentes.
Finalement, à 22h33, Groves se pèse et admet avoir menti sur son poids initial. Il est à 82,5 kg et déclare stoïquement : « Je suis sûr que je vais être sous le poids demain ». En fermant la boucle, il se sent alors en contrôle, prêt à passer à la prochaine étape de son entrée dans l’arène. Un sentiment de soulagement l’envahit, alors même qu’il réalise l’importance de son approche détendue vis-à-vis de la coupe de poids, loin des méthodes épuisantes de son passé.
L’anciennement angoissant tournoiement autour de la perte de poids se transforme pour Groves en un processus qu’il maîtrise de mieux en mieux. Il quitte le gymnase une fois de plus dans sa quête de récupération, cherchant à manger, à se reconstituer, avant d’affronter son adversaire.
Dans cet univers où le sport et la douleur s’entremêlent, une leçon s’impose : le poids dans le ring n’est rien de moins qu’une bataille sur tous les fronts, et à chaque étape, le boxeur doit non seulement affronter son adversaire, mais également ses propres démons intérieurs.